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Facturation complexes, self-provisioning, scaling automatiques… ce qui fait la force du modèle cloud du point de vue des usages, peut aussi se transformer en casse-tête économique.  Une démarche FinOps permet pourtant de mieux suivre les ressources, ventiler les coûts, comprendre le reporting. Le tout en insufflant une bonne dose d’agilité budgétaire résume Bernard Schmitt.

Bernard Schmitt, président de Lucernys, a été interviewé par Alliancy, média d’influence sur la transformation des entreprises à l’ère numérique.

Quels sont les aspects de la transformation du système d’information qui mettent aujourd’hui le plus la pression sur les DSI ?

Bernard Schmitt : La plupart des projets de transformation qu’ils mènent, de la mobilité au digital workplace, en passant par le cloud, ont tous en commun d’avoir évolué massivement ces dernières années vers une logique, souvent présentée à tort comme plus simple, de « pay as you go ». Les DSI s’adaptent pour apprendre à gérer la complexité financière que ces nouveaux fonctionnements impliquent. La pression vient de là. Sur l’ensemble de ces sujets de préoccupation, le cloud en particulier tient aujourd’hui une place de premier plan.

Pourquoi ?

BS : La famille des coûts du cloud est potentiellement la plus dangereuse, du fait de pratiques de facturation complexes, sur lesquelles viennent s’ajouter du self-provisioning et une élasticité presque infinie, avec parfois même des mécanismes de scaling automatiques. Ces caractéristiques font la force du modèle du point de vue des usages, mais peuvent en faire un enfer économique. Par ailleurs, la promesse du « paiement à l’usage » se confronte à la réalité où l’on retrouve en fait un système de facturation à l’abonnement : ainsi un serveur est facturé à 100% qu’on l’utilise ou non.

La promesse du « paiement à l’usage » se confronte à la réalité où l’on retrouve en fait un système de facturation à l’abonnement

A cela s’ajoute la complexité des éléments de facturation, car sont facturés toutes les tailles de machines, les load balancers, les différents types de stockage, le trafic réseau entre les différentes zones … Bref, rien n’est packagé. Il est difficile d’obtenir une vraie lisibilité, et surtout d’anticiper pour vraiment tirer parti au mieux de ces modèles. Capacités réservées, instances « spot », start & stop… Dans le cloud, on est loin de systèmes qui facilitent la transparence et les prévisions sereines.

Au-delà de ces contraintes de gestion de la complexité, existe-t-il des opportunités ?

BS : Il en existe deux principales, alors que la place du cloud devient prépondérante dans les budgets. Tout d’abord, il faut reconnaître qu’il a toujours été complexe pour un DSI d’affecter des coûts d’infrastructures à des axes analytiques, comme des centres de coût, des applications ou des projets. A la différence des modes d’investissements dit « capex », les nouveaux modèles de facturation « as a service » permettent d’obtenir une meilleure transparence et granularité avec une démarche FinOps. En effet, il est possible de « taguer » dynamiquement les ressources utilisées afin d’en ventiler les coûts au niveau le plus fin. C’est aussi, et surtout, avoir la capacité d’« expliquer », en améliorant son reporting. C’est un atout précieux à acquérir à l’heure où l’on attend du DSI qu’il ait une véritable proximité métier et qu’il participe pleinement à la construction de la vision de la transformation numérique de l’entreprise.

Et la seconde ?

BS : Le « as a service » est une opportunité majeure pour accompagner la transformation culturelle importante que vivent actuellement les directions des systèmes d’information. Elles adoptent en effet depuis quelques années les principes d’agilité à l’échelle, traversant les métiers, le développement et les opérations. Or, celles-ci nécessitent de changer les pratiques budgétaires : il faut maintenant tirer un maximum de valeur d’un budget global. Cela est complexe à réaliser quand on lutte en parallèle avec des paliers d’investissement et de l’amortissement…

Le budget agile doit devenir un flux, capable de s’adapter dynamiquement.

Les organisations refondent leurs processus, les postures managériales, mais si elles lancent leur premier train de releases alors que la gestion des budgets est, elle, restée « dans l’ancien monde », les ennuis ne vont pas tarder à apparaître. Pour parvenir au contraire à faire émerger les pratiques nécessaires de Lean Budgeting ou de Beyond Budgeting, une démarche FinOps appliquée à la gestion du Cloud et de sa facturation en flux dynamique est précieuse.

Les DSI doivent donc se réorganiser pour mieux gérer le Cloud ?

BS : Pour résumer, le défi des DSI est de faire face à cette énorme masse financière, dynamique et dangereuse qu’est devenu le Cloud et plus généralement le « as a service ». Historiquement, dans les organisations, les fonctions de contrôle financier ont souvent été éparpillées et peu structurées. La plupart du temps, ce sont des contrôleurs de gestion qui en ont hérité. Or, ils ne peuvent avoir la responsabilité que l’on attend de fonctions dites « FinOps » qui nécessitent non seulement une connaissance financière du sujet mais également une parfaite maîtrise de la technique et des usages. Sans compter que ces nouvelles fonctions de contrôle deviennent encore plus importantes alors que les métiers s’emparent des nouvelles possibilités informatiques du fait de la facilité d’accès offerte par le Cloud. Maintenant que les métiers peuvent « provisionner » eux-mêmes, mais que le budget correspondant reste à la DSI, cette dernière risque d’en perdre le contrôle.

La DSI doit intégrer les compétences FinOps.

Ces compétences sont-elles courantes sur le marché ?

BS : Le bon mix entre compétences métiers, techniques et financières, caractérisant le FinOps, est très rare. Des outils existent évidemment (nous en utilisons nous-mêmes), mais pour le dire crûment : les spécialistes de la technique n’ont pas envie de se poser des questions financières et les financiers préfèrent ne pas parler technique. Pourtant, les clés de l’optimisation et de la cohérence entre choix techniques, usages et coûts, passent par des compétences hybrides en mesure de contrôler, optimiser et prévoir dans un contexte complexe, foisonnant et extrêmement dynamique. Les DSI vont donc avoir besoin d’aide pour disposer de ces compétences rares.

Interview réalisée par Dorian Marcellin – Alliancy.

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